Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

empêchait qu’elle ne pût s’ouvrir, il l’aurait déposé sur son lit. Toutes les fois qu’il employait la magie, c’était toujours avec malice. Il jeta le guerrier par terre, et le sang coula de nouveau de sa blessure.

xii.

Comme il repassait dans la cour, il y vit le fils de la châtelaine, qui était à jouer, et il résolut de l’emmener avec lui dans le bois ; car il faut dire, une fois pour toutes, qu’il se plaisait toujours à faire le mal, et qu’il ne faisait jamais le bien qu’à regret. L’enfant le prit pour un de ses camarades, et les sentinelles qui gardaient la porte n’y virent passer qu’un chien d’arrêt et un chien couchant.

xiii.

L’enfant et le nain traversèrent collines et vallons, et arrivèrent sur le bord d’une petite rivière qui coulait dans la forêt. Ses eaux courantes rompirent le charme, et le nain parut sous ses traits difformes. S’il avait osé se livrer à son penchant malfaisant, il aurait brisé les jambes du noble enfant, ou l’aurait étranglé de ses doigts longs et maigres : mais il craignait le pouvoir redoutable de sa mère, et le sien était limité. Il se borna donc à lancer sur lui un regard terrible ; et, traversant la rivière d’un seul saut, il disparut dans l’épaisseur du bois en poussant un grand éclat de rire, et en s’écriant :

— Perdu ! perdu ! perdu !

xiv.

Epouvanté, comme il devait l’être à son âge, de cette métamorphose, de la figure affreuse qui s’était offerte à ses yeux, et du cri sauvage qu’il venait d’entendre, le bel enfant semblait avoir pris racine dans les bois comme un jeune lis. Enfin il chercha à retrouver le chemin de Branksome, tremblant à chaque pas de voir paraître derrière un buisson le visage horrible qui l’avait effrayé. Il se mit donc en chemin, et marcha long-temps ; mais plus il s’avançait dans le bois, plus il s’égarait. Enfin il entendit les échos des montagnes répéter les aboiemens d’un chien.