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LE LAI DU DERNIER MENESTREL

fuir. Ce n’était plus le moment de prononcer des vœux de constance ni de soupirer. La belle Marguerite se retire à travers les coudriers, comme le ramier timide ; Henry saute légèrement sur son coursier, pendant que le nain lui tient l’étrier, et il s’avance du côté de l’est à travers les touffes d’aubépine.


Tandis qu’il chantait ainsi son récit trop long peut-être, la voix faillit au ménestrel. Un page s’en aperçut, et mit dans la main flétrie du vieillard une coupe pleine de l’excellent vin des coteaux brûlés de Velez. Le ménestrel prit le vase d’argent, le souleva, et versa une larme de reconnaissance, en priant Dieu de bénir long-temps la duchesse et tous ceux qui daignaient encourager un fils de l’harmonie. Les jeunes filles sourirent en voyant avec quelle volupté le vieillard vida lentement la coupe jusqu’à la dernière goutte. Enhardi par ce jus précieux, il les regarde lui-même en souriant. Le nectar échauffe son cœur, et fait circuler plus rapidement son sang dans ses veines. Le ménestrel prélude d’un ton plus vif et plus léger, et continue son histoire.

CHANT TROISIÈME.

i.

Ai-je dit que mes membres étaient affaiblis par l’âge ? Ai-je dit que mon sang était glacé dans mes veines ; que le feu qui m’animait était éteint ; que mon pauvre cœur avait cessé de battre ? Ai-je dit que je ne pouvais plus chanter l’amour ? Ah ! comment ai-je pu être ingrat envers le Dieu qui inspira toujours le ménestrel et charma ses rêveries poétiques ? Comment ai-je pu prononcer le nom de l’amour sans renaître à l’enthousiasme ?