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LE LAI DU DERNIER MENESTREL

sent toutes montées sur le même ton. — Il allait tenter dit-il alors, de se rappeler d’anciens chants qu’il ne se croyait plus destiné à répéter. Ils n’avaient pas été composés pour d’humbles villageois, mais pour de nobles dames, et pour de puissans seigneurs. Il les avait chantés devant le bon roi Charles, quand ce monarque tenait sa cour à Holyrood ; il ne pouvait s’empêcher d’éprouver quelque crainte en essayant un air chéri, mais oublié depuis long-temps. Ses doigts errans sur les cordes en tirèrent un prélude peu assuré ; il secoua plusieurs fois sa tête blanchie par l’âge ; mais, quand il eut enfin saisi la mesure, le vieillard leva son front vénérable, il sourit, et ses yeux presque éteints brillèrent encore du feu poétique. Variant ses tons en parcourant ses cordes, il passait successivement de l’énergique au tendre : le présent, l’avenir, ses peines, ses privations, les glaces de l’âge, la méfiance de lui-même, tout fut oublié dans son enthousiasme. Si sa mémoire infidèle laissait quelque lacune dans ses chants, l’inspiration y suppléait ; ce fut en s’accompagnant de sa harpe que le DERNIER MÉNESTREL chanta ce qui suit.


CHANT PREMIER.

i.

Le banquet était fini dans la tour de Branksome, et la dame du château s’était retirée dans son appartement secret, appartement gardé par des charmes et des paroles magiques, terribles à entendre et terribles à répéter. Jésus et Marie, protégez-nous ! Nul être vivant, excepté elle, n’aurait osé franchir le seuil de la perte.

ii.

Les tables étaient enlevées, tout était paisible et oisif ; le chevalier, le page et l’écuyer promenaient dans la