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gence des choses spirituelles est digérée par le breuvage de la sagesse, de façon qu’elle soit profitable aux membres de l’homme intérieur, c’est-à-dire à ses aflections en proie à la sécheresse, au lieu de leur devenir une charge.

. bes choses nécessaires au salut des peuples, aucune n’a donc manqué au Sauveur. C’est de lui qu’Isaïe a chanté d’avance : / n rameau sortira ae ta tige de jessé, et une fleur s’élèvera de cette racine, ei sur elle se reposera l’esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science e< ae ptéit, et l’esprit de crainte du Seigneur la remplira ’ . Observez que le prophète annonce que cette fleur doit sortir de la racine et non de la tige. Si la chair du Christ eût été une chair nouvelle, créée du néant dans la Vierge (comme quelques-uns l’ont pense), on aurait pu dire que la (leur était sortie de la tige et non de la racine. .Mais puisqu’elle sort de la racine, c’est une preuve incontestable qu’elle a pris à la source commune les éléments de son être. Et si le Saint-Esprit s’est reposé sur elle, il n’y a là aucune contradiction. En nous, parce qu’il n’y a pas un esprit supérieur, il ne se repose pas ; la chair oppose ses désirs à l’esprit, et l’esprit les siens à ceux de la chair : triste combat ! Puisse-t-il nous en affranchir, Celui qui n’a ressenti rien de semblable, l’homme nouveau, l’homme véritable qui a pris notre chair à la source commune sans y prendre pourtant le vieux levain de la concupiscence !

Sermon III[1]

De la femme adultère (Jean viii, 3, 11) : de Suzanne (Dan. xiii) et de la bienheureuse Marie (Luc i, 26, 38.)

1. Que vous êtes riche en miséricorde, que vous êtes magnifique en justice, que vous distribuez vos grâces avec munificence, ô Seigneur, notre Dieu ! Non, personne ne sait, comme vous, donner avec tant d’abondance, rémunérer avec tant d’équité, délivrer avec tant de bonté ! Vous regardez gratuitement les humbles, vous jugez justement les innocents, vous sauvez miséricordieusement les pécheurs. Voilà, mes frères, les mêts plus copieux que d’habitude servis aujourd’hui à la table du riche Père de famille, dans les témoignages tirés des saintes Écritures, si toutefois nous y prêtons une attention sérieuse. Cette abondance, nous la devons à la coïncidence du saint temps de Carême avec le jour sacré de l’Annonciation du Seigneur. Aujourd’hui, en effet, à nos oreilles, l’indulgence du Rédempteur a absous la femme surprise en adultère : aujourd’hui elle a délivré de la mort Suzanne innocente, aujourd’hui elle a rempli la bienheureuse Vierge des faveurs exceptionnelles d’une bénédiction gratuite. Festin magnifique dont les mets sont la miséricorde, la justice et la grâce ! Et la miséricorde n’est-elle pas une nourriture pour les hommes ? Oui, et une nourriture salutaire, dont l’efficacité guérit. La justice, de son côté, n’est-elle pas un pain pour le cœur ? Oui, et elle l’affermit, c’est un aliment substantiel et solide. Heureux ceux qui ont faim car ils seront rassasiés[2] ! N’est-ce pas encore pour l’âme une nourriture que la grâce de son Dieu ? Oui, et une nourriture pleine de dou-

  1. Prononcé en 1150. L’Annonciation tombait le samedi, veille du ive dimanche de Carême où on lit à l’office l’histoire de Suzanne, et à la messe l’Évangile de la femme adultère.
  2. Math. v, 6.