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réconcilie avec Dieu, et nous soumet à lui ; il se plaît à la voir en nous, et, comme l’a dit la bienheureuse Vierge, il a regardé l’humilité de sa servante[1]. C’est pourquoi celui qui se livre à la fornication pèche contre son corps, celui qui fait une injustice pèche contre son prochain, et celui qui s’enfle et s’élève pèche contre Dieu. Le fornicateur se déshonore, l’injuste blesse son frère, le superbe déshonore Dieu autant qu’il est en lui. Je ne donnerai pas ma gloire à un autre[2], dit le Seigneur. Et moi, répond le superbe, je la prendrai, si vous ne la donnez pas. Le partage fait par l’Ange ne lui convient pas, ce partage qui donne à Dieu la gloire, aux hommes la paix. Au lieu d’honorer Dieu, cet impie, cet infidèle s’élève contre lui. Et qu’est-ce que la piété, sinon le culte de Dieu ? Et qui donc honore Dieu, sinon celui qui, volontairement soumis à son autorité, a toujours les yeux de son cœur dirigés vers le Seigneur, comme des serviteurs ont leurs regards attentifs aux ordres de leur maître ?

3. Voulons-nous qu’on trouve toujours en nous et Marie et Joseph et l’enfant couché dans sa crèche, menons ici-bas une vie sobre, juste et pieuse. C’est pour cela que s’est montrée la grâce de Dieu venu pour nous instruire : et en cela se révélera aussi sa gloire. Vous lisez en effet ceci : La grâce de Dieu est apparue à tous les hommes, nous instruisant à renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, dans l’attente de l’espérance bienheureuse et de l’avènement de la gloire du grand Dieu[3]. Dans ce petit enfant, la grâce s’est montrée pour notre instruction. Mais il sera grand, comme Gabriel l’a dit de lui, et ceux que l’enfant a formés à l’humilité et à la mansuétude, il les élèvera et les glorifiera plus tard, quand lui-même Jésus-Christ notre Seigneur, béni dans les siècles, viendra dans sa grandeur et sa gloire.

SERMON V

Sur ces paroles de l’Apôtre : Béni soit le Dieu Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes, le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos tribulations.

1. Béni le Dieu qui, dans l’extrême charité dont il nous a aimés, nous a envoyé son cher Fils, l’objet de ses complaisances, afin de nous réconcilier avec lui-même, et de nous rendre la paix, et qui en a fait et le médiateur et l’otage de cette réconciliation ! Mes frères, nous n’avons plus à craindre avec un si doux médiateur, et un si fidèle otage ne doit nous laisser aucune inquiétude. Mais quel est, direz-vous, ce médiateur qui naît dans une étable, qu’on dépose dans une crèche, qu’on enveloppe de langes, comme les autres enfants, qui pleure comme eux, et qui gît étendu, sans voix, à la façon de nous tous, dans son berceau ? C’est assurément un grand médiateur et dans tous ces détails, il cherche sérieusement et efficacement tout ce qui intéresse la paix. Il se tait, mais c’est le Verbe réduit au silence et à un silence éloquent. Consolez-vous, consolez-vous, dit le Seigneur votre Dieu[4]. Celui qui parle c’est l’Emmanuel, le Dieu avec nous. Voilà ce que crient et cette étable, et cette crèche, et ces larmes, et ces langes. L’étable nous crie qu’elle est une hôtellerie préparée pour guérir l’homme tombé au milieu des voleurs[5]. La crèche crie qu’elle contient la nourriture destinée à ce même homme devenu semblable à la bête[6]. Ces larmes, ces langes, proclament que ses blessures sanglantes sont lavées et pansées. Puisque le Christ n’a eu besoin d’aucun de ces secours, rien de tout cela n’est pour lui, tout est pour les élus. Ils respecteront mon Fils[7], dit le Père des miséricordes. Oui, Seigneur, on le respectera, mais qui l’entourera de cette vénération ? Ce ne sont pas les Juifs, mais les élus pour qui il a été envoyé.

2. Ah ! vénérons-le dans l’étable, sur le gibet, dans le sépulcre. Nous l’avons reçu pieusement, quand il a revêtu pour nous la faiblesse

  1. Luc, i, 48.
  2. Isaï. xlii, 8.
  3. Tite, ii, 11-13.
  4. Isaï, xl, 1
  5. Isaï ; Luc, x, 30.
  6. Ps. xlviii, 13.
  7. Math. xxi, 37.