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Mais devant moi l'aimable et douce chasteté
D'un air pur et serain, pleine de majesté,
Me montrant ses amis de tout sexe, tout âge,
Avec un ris mocqueur me tenoit ce langage :
Tu m'aimes, je t'appelle, et tu n'oses venir.
Foible et lâche Augustin, qui peut te retenir ?
Ce que d'autres ont fait, ne le pourras-tu faire ?
Incertain, chancelant, à toi-même contraire,
Tu veux rompre tes fers, tu veux et ne veux plus :
Ne fixeras-tu point tes pas irrésolus ?
Regarde à mes côtés ces colombes fidelles :
Pour voler jusqu'à moi, Dieu leur donna des aisles ;
Ce dieu t'ouvre ton sein, jette-toi dans ses bras.
Hélas, je le savois, mais je n'y courois pas.
Un jour enfin lassé de cette vive guerre
Je pleurois, je criois, je m'agitois par terre,
Quand tout à coup frappé d'un son venu des cieux,
Et des mots du saint livre où je jettai les yeux,
L'orage se calma, mes troubles s'appaiserent.
Par votre main, seigneur, mes chaînes se briserent ;
Mon esprit ne fut plus vers la terre courbé :
Je sortis de la fange où j'étois embourbé.
Ma volonté changea ; ce qui vous est contraire
Me déplut, et j'aimai tout ce qui peut vous plaire.
Ma mere qu'à vos pieds vous vîtes tant de fois
Pleurer sur un ingrat, rebelle à votre voix,
Ma tendre mere enfin sortit de ses allarmes,
Et retrouva vivant le fils de tant de larmes.
Je connus bien alors que votre joug est doux :
Non, seigneur, il n'est rien qui soit semblable à vous.