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Je hais ce que je suis, je ne m'aimai jamais ;
Cependant malgré-moi je suis ce que je hais.
Non, je ne puis sortir de mon état funeste.
Qu'il est dur de porter un fardeau qu'on déteste ! »
Medée en succombant regrette sa pudeur,
Et se livre au transport que condamne son cœur.
Pour sauver les débris de sa vertu fragile,
Dans les bras de la mort Phedre cherche un asyle.
Mais détournons nos yeux de ces tristes objets,
Et laissons les payens en proie à leurs regrets.
Regardons un mortel que la Grace divine
Fait sortir triomphant d'une guerre intestine ;
Et du grand Augustin apprenons aujourd'hui
Ce que l'homme est sans Dieu, ce que Dieu peut sur lui.
Ma fougueuse jeunesse, ardente pour les crimes,
Me fit courir d'abord d'abîmes en abîmes :
Je vous fuyois, seigneur, vous ne me quittiez pas
Et la verge à la main me suivant pas à pas,
Par d'utiles dégoûts vous me rendiez ameres
Ces mêmes voluptés à tant d'autres si cheres.
Vous tonniez sur ma tête : à vos pressans avis
Ma mere s'unissoit en pleurant sur son fils.
Je n'entendois alors que le bruit de ma chaîne,
Chaîne de passions qu'un misérable traîne.
Ma mere par ses pleurs ne pouvoit m'ébranler,
Et vous tonniez, grand dieu, sans me faire trembler.
Enfin de mes plaisirs l'ardeur fut amortie :
Je revins à moi-même, et détestai ma vie.
Je voyois le chemin, j'y voulois avancer ;
Mais un funeste poids me faisoit balancer.