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Pourquoi donc les pécheurs qui détestent leurs chaînes,
Pour s'en débarrasser trouvent-ils tant de peines ?
Ces plaisirs qu'avec joie ils ont long-tems suivis,
Sous leur régne cruel les tiennent asservis.
Ils voudroient s'affranchir d'un joug dont ils gémissent ;
Mais hélas, chaque jour leurs forces s'affoiblissent.
Leurs fers se resserrant deviennent plus affreux,
Et toujours leur fardeau s'appesantit sur eux.
Oui, de nos passions la trop longue habitude
Malgré nous à la fin se change en servitude.
Pour connoître à quels maux ce mortel est livré,
Qui veut chasser l'amour de son cœur ulceré,
Faisons taire un moment les saints dans cet ouvrage,
Et d'un voluptueux écoutons le langage.
« Infortuné captif, cesse donc de souffrir :
Sauve-toi, guéris-toi. Mais comment te guérir ?
Comment sortir si-tôt d'un si long esclavage ?
O dieux ! Si la clémence est votre heureux partage,
Si vous jettez les yeux sur ceux qui vont mourir,
Mes supplices cruels vous doivent attendrir.
Grands dieux ! Regardez-moi ; détournez cette flamme,
Qui défend à la paix toute entrée en mon ame,
Et consume mon corps par un cruel poison.
Je ne t'implore, ô ciel ! Que pour ma guérison :
Je ne demande pas que de celle que j'aime
L'amour puisse répondre à mon amour extrême ;
Mais si j'ai mérité quelque chose de toi,
O ciel ! Rends-moi la vie : ô dieux ! Guérissez-moi. »
Ovide en criminel avoüant tous ses crimes,
Nous en avoue aussi les peines légitimes.
«