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Si la Grace à toute heure obéit à nos loix,
Faut-il pour l'obtenir l'appeller tant de fois ?
Et si nous avons toute la force salutaire,
Que sert-il de prier ? Nous devons tous nous taire.
Tendre église, sur nous vous pleurez vainement :
Colombe, finissez ce long gémissement.
Ministres, essuyez vos larmes assidues ;
Et retirez vos mains vers le ciel étendues.
Vous qui poussez vers Dieu des soupirs éternels,
Fidéles prosternés aux pieds de ses autels,
Pourquoi répandre ainsi des prieres stériles ?
C'est à vous d'ordonner, vos cœurs vous sont dociles :
Vous-mêmes à vos maux donnez un prompt secours ;
Vous pouvez tout. Mais quoi ! Vous soupirez toujours,
Et de tous vos efforts vous sentez l'impuissance.
Hélas, qui n'en a point la triste connoissance !
Quel mortel à son gré dispose de son cœur !
Si l'on en croit pourtant un systême flateur,
Pour le bien et le mal l'homme également libre
Conserve, quoi qu'il fasse, un constant équilibre :
Lorsque pour l'écarter des loix de son devoir
Les passions sur lui redoublent leur pouvoir,
Aussi-tôt balançant le poids de la nature,
La Grace de ses dons redouble la mesure ;
L'homme les perd encor, et toujours liberal
Le ciel de nouveaux dons lui rend un nombre égal.
Dieu pour le criminel qui brave sa colere
Doit payer de ses biens un tribut nécessaire.
Mais en les dissipant on s'enrichit encor,
Et de Graces sans nombre on amasse un trésor.