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Si je trouvois pour moi la Grace toujours prête ;
Que du ciel aisément je ferois la conquête !
Mais l'homme toutefois, chancelant, inégal,
Rencontre à tous ses pas quelque obstacle fatal.
A la plus douce paix un trouble affreux succéde.
Il aimoit, il languit ; il brûloit, il est tiéde.
La joie et le chagrin, la froideur et l'amour
De son cœur inconstant s'emparent tour à tour.
Après avoir long-tems couru dans la carriére,
Tout à coup il s'arrête et recule en arriére.
Toi donc, heureux mortel, arbitre souverain,
Toi qui trouves toujours la Grace sous ta main,
Contre tant de malheurs montre ton privilége :
Fais connoître tes droits au démon qui t'assiége.
Le chagrin te saisit, tu te sens agité ;
Vien te rendre la joie, et la tranquillité :
Etouffe ces dégoûts qui commencent à naître.
Il est tems : qu'attends-tu ? Commande, parle en maître.
Mais quoi ? Desir, effort, menace, tout est vain ;
Et tu veux sans succès trancher du souverain.
Misérable, du moins reconnoi ta misere.
L'orgueil t'avoit séduit, fais-en l'aveu sincere,
Et ressens le besoin d'un plus puissant secours :
Au seigneur sans rougir tu peux avoir recours.
Va pleurer à ses pieds ; implore, presse, crie,
Il se plaît à donner, mais il veut qu'on le prie.
Il faut ravir ses biens, et pour être accordé,
Sans cesse son appui doit être demandé.
Nous ne pouvons jamais lasser sa patience,
Il aime que nos cris lui fassent violence.