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Oui, l'homme ose souvent, triste et funeste gloire,
Entre son maître et lui balancer la victoire ;
Mais le maître poursuit son sujet obstiné,
Et parle de plus près à ce cœur mutiné.
Tantôt par des remords il l'agite et le trouble :
Tantôt par des attraits que sa bonté redouble
Il amollit enfin cette longue rigueur,
Et le vaincu se jette aux pieds de son vainqueur.
De la Grace tel est l'aimable et saint empire :
Elle entraîne le cœur, et le cœur y conspire.
Nous marchons avec elle : ainsi nous méritons,
Et nous devons nommer nos mérites des dons.
Ainsi Dieu toujours maître inspire, touche, éclaire ;
Et l'homme toujours libre, agit et coopere.
Augustin, de l'église, et l'organe et la voix,
De la céleste Grace explique ainsi les loix.
Téméraire docteur, est-ce là ton langage ?
Honteux de reconnoître un si libre esclavage,
Par tes détours subtils, par tes systêmes vains
Tu prétends éluder les paroles des saints.
Hélas ! De notre orgueil telle est l'horrible plaie :
Nous craignons d'obéir, et le joug nous effraie.
Voulant trop raisonner, nous nous égarons tous :
Et de notre pouvoir défenseurs trop jaloux,
Nous usurpons du ciel les droits les plus augustes :
Nous fixons son empire à des bornes injustes.
Mais que Dieu confondroit une telle fierté
S'il nous abandonnoit à notre liberté !
La Grace, dites-vous, vous paroît la contraindre.
Agréable péril ! Ah ! Risquons, sans rien craindre,