Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANT TROISIEME.

 
Tel que brille l'éclair, qui touche au même instant,
Des portes de l'aurore aux bornes du couchant ;
Tel que le trait fend l'air, sans y marquer sa trace :
Tel et plus prompt encor part le coup de la Grace.
Il renverse un rebelle aussi-tôt qu'il l'atteint ;
D'un scelérat affreux un moment fait un saint.
Ce foudre inopiné, cette invisible flamme
Frappe, éclaire, saisit, embrase toute l'ame.
Saintement pénétré d'un spectacle effrayant
Rancé de ses plaisirs reconnoît le néant :
D'esclave il devient libre ; à la cour il échappe,
Et fuit dans les déserts pour enfanter la trappe.
Ainsi prompte à courir, lorsque nous nous perdons,
La Grace quelquefois précipite ses dons.
Souvent à nous chercher moins ardente et moins vive,
Par des chemins cachés lentement elle arrive.
Elle n'est pas toujours ce tonnerre perçant
Qui fend un cœur de pierre, et par un coup puissant
Abbat Saul qu'emportoit une rage homicide ;
Fait d'un persécuteur un apôtre intrépide ;
Arrache Magdelaine à ses honteux objets,
Zachée à ses trésors, et Pierre à ses filets.
Quelquefois doux rayon, lumiere temperée,
Elle approche, et le cœur lui dispute l'entrée.
L'esclave dans ses fers quelque tems se débat,
Repousse quelques coups, prolonge le combat.