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Rien ne peut prosperer sur des terres ingrates.
Le desir de la gloire enfante les socrates.
Du moindre des romains l’estime et les regards
Soutiennent les Catons ainsi que les Césars.
Plaignons plutôt, plaignons ces peuples misérables,
Dont les justes n’étoient que de moindres coupables.
Socrate, du vrai dieu s’approchant de plus près,
Sembla de sa grandeur découvrir quelques traits.
Faut-il donc pour le voir, percer tant de nuages ?
Eh ! Qui de la nature admirant les ouvrages,
Frappé d’étonnement à ce premier regard,
Ira pour l’ouvrier soupçonner le hazard ?
De ce vil vermisseau j’entends la voix qui crie,
Dieu m’a fait, Dieu m’a fait ; Dieu m’a donné la vie.
Tout parle à la raison, mais rien ne parle au cœur.
Le jour au jour suivant annonce son auteur.
Mais ce n’est qu’en l’aimant que Dieu veut qu’on l’adore ;
Et l’hommage du cœur est le seul qui l’honore.
En vain le philosophe entrevoit la clarté :
Du chemin de la vie est-il moins écarté ?
Plus criminel encor que l’aveugle vulgaire,
Loin de rendre au seigneur le culte nécessaire,
Il perd, vuide d’amour, tout le fruit de ses mœurs :
Son esprit s’évapore en de folles lueurs.
En différens sentiers les plus sages s’égarent ;
Par des sectes sans nombre entr’eux ils se séparent.
La raison s’obscurcit : la simple vérité
Se perd dans les détours de la subtilité.
Oui, grand dieu, c’est en vain que l’humaine foiblesse
Sans toi veut se parer du nom de la sagesse :