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Malgré l’épaisse nuit sur l’homme répandue,
On découvre un rayon de sa gloire perdue.
C’est du haut de son thrône un roi précipité,
Qui garde sur son front un trait de majesté.
Une secrette voix à toute heure lui crie
Que la terre n’est point son heureuse patrie ;
Qu’au ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui-même ici-bas quand est-il satisfait ?
Digne de posseder un bonheur plus solide,
Plein de biens et d’honneurs, il reste toujours vuide.
Il forme encore des vœux dans le sein du plaisir,
Il n’est jamais enfin qu’un éternel desir.
D’où lui vient sa grandeur ? D’où lui vient sa bassesse ?
Et pourquoi tant de force avec tant de foiblesse ?
Réveillez-vous, mortels, dans la nuit absorbés,
Et connoissez du moins d’où vous êtes tombés.
Non, je ne suis point fait pour posseder la terre.
Quand ne serai-je plus avec moi-même en guerre ?
Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brisera la chaîne où je suis attaché ?
Mon cœur toujours rebelle, et contraire à lui-même,
Fait le mal qu’il déteste, et fuit le bien qu’il aime.
Je veux sortir du gouffre où je me vois jetté ;
Je veux… mais que me sert ma foible volonté ?
Legere, irrésolue, incertaine, aveuglée,
Et malgré son néant, d’un fol orgueil enflée,
Voulant tout entreprendre, et n’exécutant rien,
Capable de tout mal, impuissante à tout bien,
Compagne qui m’entraîne au vice que j’abhorre,
Et guide qui ne sert qu’à m’égarer encore.