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Coupe, brûle ce corps, prends pitié de mon âme ;
Frappe, fais-moi payer tout ce que je te dois.
Arme-toi, dans le temps, du fer et de la flamme,
Mais dans l’éternité, Seigneur, épargne-moi.

Quand j’aurais à tes lois obéi dès l’enfance,
Criminel en naissant, je ne dois que pleurer.
Pour retourner à toi la route est la souffrance :
Loi triste, route affreuse... entrons sans murmurer.

De la main de ton fils je reçois le calice ;
Mais je frémis, je sens ma main prête à trembler.
De ce trouble honteux mon cœur est-il complice ?
Suis-je le criminel, voudrais-je retourner ?

C’est ton fils qui le tient, que ma foi se rallume.
Il en a bu lui-même, oserais-je en douter ?
Que dis-je ? il en a bu la plus grande amertume,
Il m’en laisse le reste, et je n’ose en goûter !

Je me jette à tes pieds, ô croix, chaire sublime,
D’où l’homme de douleur instruit tout l’univers ;
Autel sur qui l’amour embrase la victime,
Arbre où mon Rédempteur a suspendu mes fers.

Drapeau du souverain qui marche à notre tête,
Tribunal de mon juge et trône de mon roi,
Char du triomphateur dont je suis la conquête,
Lit où j’ai pris naissance, il faut mourir sur toi.