Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ô mon Dieu... Quoi ! ce nom, je le prononce encore !
Non, non, je t’ai perdu, j’ai cessé de t’aimer,
Ô juge qu’en tremblant je supplie et j’adore !
Grand Dieu, d’un nom plus doux je n’ose te nommer.

Dans le gémissement, l’amertume et les larmes,
Je repasse des jours perdus dans les plaisirs ;
Et voilà tout le fruit de ces jours pleins de charmes :
Un souvenir affreux, la honte et les soupirs.

Ces soupirs devant toi sont ma seule défense :
Par eux un criminel espère t’attendrir ;
N’as-tu pas, en effet, un trésor de clémence ?
Dieu de miséricorde, il est temps de l’ouvrir.

Où fuir, où me cacher, tremblante créature,
Si tu viens en courroux pour compter avec moi ?
Que dis-je ? Être infini, ta grandeur me rassure,
Trop heureux de n’avoir à compter qu’avec toi !

Près d’une majesté si terrible et si sainte,
Que suis-je ? Un vil roseau : voudrais-tu le briser ?
Hélas ! si du flambeau la clarté s’est éteinte,
La mèche fume encore : voudrais-tu l’écraser ?

Que l’homme soit pour l’homme un juge inexorable,
Où l’esclave aurait-il appris à pardonner ?
C’est la gloire du maître ; absoudre le coupable
N’appartient qu’à celui qui peut le condamner.