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sacrifiant sans peine les intérêts de la poésie à ceux de la religion, j'ai mieux aimé affoiblir quelques vers, que d'y laisser des vivacités contraires à l'esprit de paix.

Quoique le dogme de la Grâce ait causé tant de disputes parmi les Chrétiens, je ne me suis appliqué qu'à celles que nous avons soutenues contre les hérétiques. Je n'ai point voulu réveiller le triste souvenir de nos troubles. Pourquoi parler de ce qu'il faudroit même oublier : Si tam in noslra potestate essct obliviscl quàm tacere ?

Qu'on s'attende donc à ne trouver principalement ici que les vérités dont il est nécessaire d'être instruit. Dans le premier chant, pour conduire à la nécessité de la Grâce, je dépeins l'innocence de l'homme et sa chute, , l'état déplorable ou il fut réduit, quand il fut abandonné à lui-même, l'impuissance de la raison et dé la loi pour le guérir, enfin la venue de Jésus-Christ, l'auteur et le dispensateur de la Grâce. J'établis dans le second chant la puissance et l'efficacité de cette Grâce, qui ne détruit point la liberté, puisqu'on y peut toujours résister. Dans le troisième chant j'étends la grande preuve de la puissance de cette Grâce, qui est le changement du cœur, malgré tous les combats des pécheurs ; et je fais voir que ces combats détruisent le système de la Grâce versatile et de l'équilibre. Enfin, le quatrième chant renferme le mystère de la prédestination, qui nous apprend combien la Grâce est gratuite.

Voilà sans doute de grands et de nobles sujets : ils paraîtront peut-être peu susceptibles des ornemens de la poésie ; cependant si j'ennuie en les traitant, la faute n'en doit être imputée qu'à moi seul. Plus les objets sont grands, plus la poésie est digne de les décrire. Puisqu'un