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condamnée
N'a pu se dégager de cet astre ennemi,
Ni de son ascendant s'échapper à demi.


Et Thésée par sa réponse détruit cet absurde opinion d'une force nécessitante :

 
Quoi, la nécessité des vertus et des vices,
D'un astre impérieux doit suivre les caprices,
Et Delphes, malgré nous, conduit nos actions
Au plus bizarre effet de ses prédictions ?
L'âme est donc tout esclave : une loi souveraine
Vers le bien ou le mal incessamment l'entraîne,
Et nous ne recevons ni crainte ni désir,
De cette liberté qui n'a rien à choisir ?
Attachés sans relâche a cet ordre sublime,
Vertueux sans mérite, et vicieux sans crime ,
Qu'on massacre les rois, qu'on brise les autels,
C'est la faute des Dieux, et non pas des mortels ?
De toute la vertu sur la terre épandue,
Tout le prix à ces Dieux, toute la gloire est due ?
Ils agissent en nous quand nous pensons agir :
Alors qu'on délibère, on ne fait qu'obéir ;
Et notre volonté n'aime, hait, cherche, évite
Que suivant que d'en haut leur bras la précipite ?
D'un tel aveuglement daignez me dispenser.
Le ciel, juste a punir, juste à récompenser,
Pour rendre aux actions leur peine ou leur salaire,
Doit nous offrir son aide, et puis nous laisser faire.
N'enfonçons toutefois ni votre œil ni le mien
Dans ce profond abyme où nous ne voyons rien.


Ces vers admirables sont également vrais, excepté celui-ci :


Doit nous offrir son aide, et puis nous laisser faire,


qu'un Païen pouvoit bien dire, mais qu'un Chrétien n'a jamais dû penser. Aussi Corneille fait parler autrement un Chrétien dans Polyeucte. C'est ainsi qu'il dépeint let pouvoir de Dieu sur nous ;