Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

D’innombrables martyrs se hâtent d’y courir.
Dieu ne veut plus de sang : amoureux de souffrir
Les saints s’arment contre eux de rigueurs salutaires.
Les déserts sont peuplés d’exilés volontaires,
Qui toujours innocents se punissent toujours.
A la virginité l’on consacre ses jours.
Le corps n’a plus d’empire, et l’âme toute pure
Impose pour jamais silence à la nature.
Deux tendres cœurs qu’unit la main qui les a faits,
Goûtent dans leurs plaisirs une innocente paix,
Et leur chaîne est pour eux aussi sainte que chère.
Le pauvre et l’orphelin dans le riche ont un père.
Au plus juste courroux qui peut s’abandonner,
Quand le prince lui-même apprend à pardonner ?
Théodose est en pleurs, Ambroise en est la cause :
J’admire également Ambroise et Théodose.
A ces traits éclatants reconnaissons les fruits,
Que fertile en héros l’amour seul a produits.
Un culte sans amour n’est qu’un frivole hommage :
L’honneur qu’on doit à Dieu, n’admet point de partage.
Ses temples sont nos cœurs. Quel terme, direz-vous,
Doit avoir cet amour qu’il exige de nous ?
Si vous le demandez, vous n’aimez point encore.
Tout rempli de l’objet dont l’ardeur le dévore,
Quel autre objet un cœur pourrait-il recevoir ?
Le terme de l’amour est de n’en point avoir.
Ne forgeons point ici de chimère mystique.
Comment faut-il aimer ? La nature l’explique.
De toute autre leçon méprisant la langueur,
Ecoutons seulement le langage du cœur.