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Je déteste ces jeux d’où Caton se retire,
En méprisant Caton qui veut que je l’admire.
De l’humaine vertu reconnaissons l’écueil.
Quand l’homme n’est qu’à lui, tout l’homme est à l’orgueil.
Il n’aime que lui seul ; dans ce désordre extrême
Il faut pour le guérir l’arracher à lui-même.
Mais qui pourra porter ce grand coup dans son cœur ?
De la religion le charme est son vainqueur.
Elle seule a détruit le plus grand des obstacles :
Reconnaissons aussi le plus grand des miracles.
Le cœur n’est jamais vide. Un amour effacé,
Par un nouvel amour est toujours remplacé,
Et tout objet qu’efface un objet plus aimable,
Sitôt qu’il est chassé nous paraît haïssable.
L’homme s’aimait : Dieu vient, et lui dit, aimez-moi,
Aimez, humains : l’amour comprend toute ma loi.
Nouveau commandement. Le maître qui le donne
Allume dans les cœurs cet amour qu’il ordonne.
L’homme se sent brûler d’une ardeur qui lui plaît.
Plein du Dieu qui l’enchante, aussitôt il se hait ;
Tout en lui jusqu’alors lui parut admirable,
Tout en lui maintenant lui paraît méprisable.
Il s’abaisse : du sein de son humilité
Sort un homme nouveau qu’a fait la charité,
Et quand ce n’est plus lui, mais en lui Dieu qu’il aime,
Il se réconcilie alors avec lui-même.
Sitôt que par l’amour l’ordre fut rétabli,
Des plus grandes vertus l’univers fut rempli.
Et qu’est-ce que l’amour trouverait de pénible ?
Les supplices, la mort, n’ont rien qui soit terrible :