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CHANT SIXIÈME.

 
Non, des mystères saints l’auguste obscurité
Ne me fait point rougir de ma docilité.
Je ne dispute point contre un maître suprême.
Qui m’instruira de Dieu, si ce n’est Dieu lui-même ?
Dans un sombre nuage il veut s’envelopper :
Mais il est un rayon qu’il en laisse échapper.
Que me faut-il de plus ? Je marche avec courage,
Et content du rayon, j’adore le nuage.
Il a dit, et je crois. Aux pieds de son auteur
Ma raison peut sans honte abaisser sa hauteur.
Mais pourquoi non content de ce grand sacrifice,
Ce Dieu veut-il encor que l’homme se haïsse !
Je m’aime : faut-il donc que m’armant de rigueur,
Toujours le glaive en main, j’aille au fond de mon cœur,
Sacrifice sanglant ! Guerre longue et cruelle !
Couper de cet amour la racine éternelle ?
Il veut, jaloux d’un bien qu’il n’a fait que pour lui,
De nos cœurs isolés être le seul appui.
Suis-je un objet si grand pour tant de jalousie ?
De l’or, ni des honneurs l’indigne frénésie
Ne lui ravira point ce cœur qu’il doit avoir.
Faut-il à si bas prix sortir de son devoir ?
Mais pour quelque douceur rapidement goûtée,
Qui console en sa soif une âme tourmentée,
Croirons-nous qu’en effet il s’irrite si fort ?
Et pour un peu de miel condamne-t-il à mort ?