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Sans un verre nos yeux ne le connaîtraient pas.
Celui qui fit ces yeux pour veiller sur nos pas
Ne nous en donne point pour voir tous ses ouvrages :
Et lorsque nous voulons percer jusqu’aux nuages
Où s’enferme ce dieu, de ses secrets jaloux,
Pour regarder si haut, quels yeux espérons-nous ?
Vers de terre, à la terre arrêtez votre vue.
A peine sa beauté jusqu’alors inconnue
A plus d’une merveille eut su nous attacher,
Que l’on vit en tous lieux, du soin de les chercher
Naître l’heureux dégoût des questions si folles,
Dont, monarque absolu des bruyantes écoles,
Le héros de Stagyre allumait la fureur.
Du vide la nature avait encor horreur.
Rassurons-nous pourtant. Le jour commence à naître :
nous allons tous penser, Descartes va paraître.
Il vit toujours caché : mais ses brillants travaux
Forment ses sectateurs, ainsi que ses rivaux.
Ils tiennent tous de lui, leurs armes et leur gloire,
Et même ses vainqueurs lui doivent leur victoire.
Nous pouvons aujourd’hui porter plus loin nos pas,
Nous courons ; mais sans lui nous ne marcherions pas.
Si la France n’eût point produit cette lumière,
Londres de son Newton ne serait pas si fière.
Par eux l’esprit humain, qu’ils honorent tous deux,
Instruit de sa grandeur la reconnaît en eux.
Mais sitôt que trop loin l’un ou l’autre s’avance,
L’esprit humain par eux apprend son impuissance.
Descartes le premier me conduit au conseil,
Où du monde naissant Dieu règle l’appareil.