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Pour eux tout empereur, Trajan même est Néron.
Ils se nomment chrétiens, et leur crime est leur nom.
Ils demandent la mort, ils courent aux supplices :
Les plus longues douleurs prolongent leurs délices :
Les rigueurs des tyrans leur semblent d’heureux dons :
Ils bénissent la main qui détruit leurs prisons.
Qui peut leur inspirer la haine de la vie ?
D’éterniser son nom la ridicule envie,
Quelquefois, je l’avoue, en étouffe l’amour.
Lorsque sur un bûcher Peregrin las du jour,
D’un trépas éclatant cherche la renommée,
Un cynique orgueilleux s’évapore en fumée.
Mais cet immense amas de femmes et d’enfants,
Qu’immolent les romains, qu’égorgent les Persans,
Tant d’hommes dont les noms sont restés sans mémoire,
Courraient-ils à la mort pour vivre dans l’histoire ?
Plaignez, me dira-t-on, leur triste aveuglement,
L’erreur a ses martyrs : le bonze follement
Ose offrir à son dieu, stérile sacrifice,
Un corps qu’a déchiré son bizarre caprice.
Victime d’un usage antique et rigoureux,
La veuve, sans frémir, s’élance dans les feux,
Pour rejoindre un époux que souvent elle abhorre.
Chez un peuple insensé cette loi vit encore.
Egarement cruel ! Loi digne de nos pleurs !
Que la religion enfante de malheurs !
Respectons des mortels que Dieu même autorise.
Oui, de ses plus grands dons le ciel les favorise,
Et le ciel n’a jamais favorisé l’erreur.
Ils chassent cet esprit et de haine et d’horreur,