Que nous font, disent-ils, vos opprobres cruels,
Si le Dieu d’Abraham veut nous rendre immortels ?
Non, non. Le Dieu vivant, stable dans sa parole,
A juré : son serment ne sera point frivole.
Il n’a point déchiré le contrat solennel
Qu’il remit dans les mains de l’antique Israël.
Sur ses heureux enfants une étoile doit luire,
Et du sang de Jacob un chef doit nous conduire.
En vain par son oubli Dieu semble nous punir :
Nous espérons toujours celui qui doit venir.
Fidèles au milieu de nos longues misères,
Nous attendons le roi qu’ont attendu nos pères.
Le grand jour, il est vrai, qui leur fut annoncé,
Devrait briller sur nous ; et son terme est passé.
Gardons-nous toutefois, trop hardis interprètes,
De supputer les temps marqués par les prophètes.
Maudit soit le mortel par qui sont calculés
Des jours cent fois prédits, dès longtemps écoulés.
Non que de ses serments l’éternel se repente ;
Mais puisqu’il a voulu prolonger notre attente,
L’esclave avec son maître a-t-il droit de compter ?
Ce calcul insolent vous osez le tenter,
Sacrilèges chrétiens, jaloux de nos richesses,
Qui croyez posséder l’objet de nos promesses.
Hélas ! De quelle ardeur, si ce maître eût paru,
Sous ses nobles drapeaux tout son peuple eût couru !
Qu’il vous ferait gémir sous le poids de ses armes,
Et payer chèrement l’intérêt de nos larmes !
Ainsi parlent les juifs : terrible aveuglement !
D’un crime inconcevable étrange châtiment !
Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/168
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