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Mais quelle douce voix enchante mon oreille ?
Tandis qu’en ces jardins Epicure sommeille,
Que de voluptueux répètent ses leçons,
Mollement étendus sur de tendres gazons !
Malheureux, jouissez promptement de la vie :
Hâtez-vous, le temps fuit, et la parque ennemie
D’un coup de son ciseau va vous rendre au néant :
Par un plaisir encor volez-lui cet instant.
Votre austère rival, pâle mélancolique,
Fait de ses grands discours résonner le portique.
Je tremble en l’écoutant ; sa vertu me fait peur.
Je ne puis comme lui rire dans la douleur ;
J’ose la croire un mal, et le crois sans attendre
Que la goutte en fureur me contraigne à l’apprendre.
L’Académie enfin par la voix de Platon,
Va dissiper en moi tout l’ennui de Zénon.
Mais de Platon lui-même, et qu’attendre et que croire,
Quand de ne rien savoir son maître fait sa gloire ?
Incertain comme lui, n’osant rien hasarder,
Il réfute, il propose, et laisse à décider.
Par quelques vérités à peine il me console :
Il s’arrête, il hésite, il doute et me désole.
Son disciple jaloux, prompt à l’abandonner,
Se retire au lycée, et m’y veut entraîner.
Mais à l’homme inquiet, le maître d’Alexandre
Du terrible avenir ne daigne rien apprendre.
Que me fait sa morale, et tout son vain savoir,
S’il me laisse mourir sans un rayon d’espoir ?
Loin des longs raisonneurs que la Grèce publie,
Le mystique vieillard m’appelle en Italie.