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Par l’urne de Minos, et ses arrêts cruels,
Ils jetèrent l’effroi dans l’âme des mortels.
Ils leur firent entendre une ombre malheureuse,
Qui poussant vers le ciel une voix douloureuse,
S’écriait, par les maux que je souffre en ces lieux,
Apprenez, ô mortels, à respecter les dieux.
Hardis fabricateurs de mensonges utiles,
Eussent-ils pu trouver des auditeurs dociles,
Sans la secrète voix, plus forte que la leur,
Cette voix qui nous crie au fond de notre cœur ;
Qu’un juge nous attend, dont la main équitable
Tient de nos actions le compte redoutable ?
Il ne laissera point l’innocent en oubli :
Espérons, et souffrons ; tout sera rétabli.
L’attente d’un vengeur qui console Socrate,
Lui fait subir l’arrêt de sa patrie ingrate.
Proscrit par l’injustice, il expire content,
Et je l’admirerais jusqu’au dernier instant,
S’il ne me nommait pas, ô demande frivole,
La victime qu’il veut que pour lui l’on immole.
Que notre esprit est faible et s’égare aisément !
Mais, que dis-je ? Le mien s’égare en ce moment.
De l’immortalité tes promesses pompeuses,
A moi-même, ô raison, me deviennent douteuses.
Quoi ! Cette âme sujette à tant d’obscurité,
Peut-elle être un rayon de la divinité ?
Dieu brillant de lumière, est-ce là ton image ?
Ô parfait ouvrier, l’homme est-il ton ouvrage ?
Dans un corps, il est vrai, je suis emprisonné :
Mais pour quel crime affreux y suis-je condamné ?