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Le corps né de la poudre, à la poudre est rendu.
L’esprit retourne au ciel, dont il est descendu.
Peut-on lui disputer sa naissance divine ?
N’est-ce pas cet esprit plein de son origine,
Qui, malgré son fardeau, s’élève, prend l’essor,
A son premier séjour quelquefois vole encor,
Et revient tout chargé de richesses immenses ?
Platon, combien de fois, jusqu’au ciel tu t’élances ?
Descartes, qui souvent m’y ravis avec toi ;
Pascal, que sur la terre à peine j’aperçois ;
Vous qui nous remplissez de vos douces manies,
Poètes enchanteurs, admirables génies,
Virgile, qui d’Homère appris à nous charmer,
Boileau, Corneille, et toi que je n’ose nommer ;
Vos esprits n’étaient-ils qu’étincelles légères,
Que rapides clartés, et vapeurs passagères ?
Que ne puis-je prétendre à votre illustre sort,
Ô vous, dont les grands noms sont exempts de la mort ?
Eh ! Pourquoi dévoré par cette folle envie,
Vais-je étendre mes voues au-delà de ma vie ?
Par de brillants travaux je cherche à dissiper
Cette nuit dont le temps me doit envelopper.
Des siècles à venir je m’occupe sans cesse.
Ce qu’ils diront de moi m’agite et m’intéresse,
Je veux m’éterniser, et dans ma vanité
J’apprends que je suis fait pour l’immortalité.
De tout bien qui périt mon âme est mécontente.
Grand Dieu, c’est donc à toi de remplir mon attente,
Si je dois me borner aux plaisirs d’un instant,
Fallait-il pour si peu m’appeler du néant ?