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A ces mots insensés, le maître de Lucrèce,
Usurpant le grand nom d’ami de la sagesse,
Joint la subtilité de ses faux arguments ;
Lucrèce de ses vers prête les ornements.
De la noble harmonie indigne et triste usage !
Epicure avec lui m’adresse ce langage.
Cet esprit, ô mortels, qui vous rend si jaloux,
N’est qu’un feu qui s’allume et s’éteint avec vous.
Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse
Sur un front hideux imprime la tristesse ;
Que dans un corps courbé sous un amas de jours,
Le sang comme à regret semble achever son cours :
Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage
Il n’entre des objets qu’une infidèle image :
Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt :
En ruines aussi je vois tomber l’esprit.
L’âme mourante alors, flambeau sans nourriture,
Jette par intervalle une lueur obscure.
Triste destin de l’homme ! Il arrive au tombeau
Plus faible, plus enfant qu’il ne l’est au berceau.
La mort, du coup fatal sape enfin l’édifice :
Dans un dernier soupir achevant son supplice,
Lorsque vide de sang le cœur reste glacé,
Son âme s’évapore, et tout l’homme est passé.
Sur la foi de tes chants, ô dangereux poète,
D’un maître trop fameux trop fidèle interprète,
De mon heureux espoir désormais détrompé,
Je dois donc, du plaisir à toute heure occupé,
Consacrer les moments de ma course rapide,
A la divinité que tu choisis pour guide :