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Tremblant il se soulève, et d’un œil égaré
Parcourt tous les objets dont il est entouré.
Il retombe aussitôt : il se relève encore ;
Mais il n’ose avancer dans ces lieux qu’il ignore.
Telle fut ma terreur, sitôt qu’ouvrant les yeux,
Et rompant un sommeil, peut-être officieux,
Je me regardai seul, sans appui sans défense,
Egaré dans un coin de cet espace immense ;
Ver impur de la terre, et roi de l’univers ;
Riche, et vide de biens ; libre et chargé de fers.
Je ne suis que mensonge, erreur, incertitude,
Et de la vérité je fais ma seule étude.
Tantôt le monde entier m’annonce à haute voix
Le maître que je cherche ; et déjà je le vois ;
Tantôt le monde entier dans un profond silence
A mes regards errants n’est plus qu’un vide immense.
Ô nature, pourquoi viens-tu troubler ma paix ?
Ou parle clairement, ou ne parle jamais.
Cessons d’interroger qui ne veut point répondre.
Si notre ambition ne sert qu’à nous confondre,
Bornons-nous à la terre, elle est faite pour nous.
Mais non, tous ses plaisirs n’entraînent que dégoûts :
Aucun d’eux n’assouvit la soif qui me dévore :
Je désire, j’obtiens, et je désire encore.
Grand Dieu, donne-moi donc des biens dignes de toi ;
Ou donne m’en du moins qui soient dignes de moi.
Que d’orgueil ! C’est ainsi qu’à moi-même contraire,
Monstre de vanité, prodige de misère,
Je ne suis à la fois que néant et grandeur.
Mécontent des objets que poursuit mon ardeur,