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De ses remords secrets triste et lente victime,
Jamais un criminel ne s’absout de son crime.
Sous des lambris dorés le pâle ambitieux
Vers le ciel, sa terreur, n’ose lever les yeux.
Suspendu sur sa tête un glaive redoutable
Rend fades tous les mets dont on couvre sa table.
Le cruel repentir est le premier bourreau
Qui dans un sein coupable enfonce le couteau.
Des chagrins dévorants attachés sur Tibère
La cour de ses flatteurs veut en vain le distraire.
Maître du monde entier, qui peut l’inquiéter ?
Quel juge sur la terre a-t-il à redouter ?
Cependant il se plaint, il gémit ; et ses vices
Sont ses accusateurs, ses juges, ses supplices.
Toujours ivre de sang, et toujours altéré,
Enfin par ses forfaits au désespoir livré,
Lui-même étale aux yeux du sénat qu’il outrage,
De son cœur déchiré la déplorable image.
Il périt chaque jour, consumé de regrets,
Tyran plus malheureux que ses tristes sujets.
Ainsi de la vertu les lois sont éternelles.
Les hommes ni les rois ne peuvent rien contre elles :
Les dieux que révéra notre stupidité,
N’obscurcirent jamais sa constante beauté :
Et les romains enfants d’une impure déesse,
En dépit de Venus, admirèrent Lucrèce.
Je l’apporte en naissant : elle est écrite en moi
Cette loi, qui m’instruit de tout ce que je dois
A mon père, à mon fils, à ma femme, à moi-même.
A toute heure je lis dans ce code suprême,