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Dont le père commun de tous tant que nous sommes
Nourrit également les fourmis et les hommes.
Solitaire odieux, qui traîne ta prison,
Notre haine, il est vrai, t’écrase avec raison :
Mais qu’on doit t’admirer quand tu nous développes
Les étonnants ressorts de tes longs télescopes,
Et qu’à nos yeux surpris tu présentes les tiens
Qu’élèvent par degré leurs mobiles soutiens !
De l’empire de l’air cet habitant volage,
Qui porte à tant de fleurs son inconstant hommage,
Et leur ravit un suc qui n’était pas pour lui ;
Chez ses frères rampants qu’il méprise aujourd’hui,
Sur la terre autrefois traînant sa vie obscure,
Semblait vouloir cacher sa honteuse figure.
Mais les temps sont changés, sa mort fut un sommeil.
On le vit plein de gloire à son brillant réveil
Laissant dans le tombeau sa dépouille grossière,
Par un sublime essor voler vers la lumière.
Ô ver, à qui je dois mes nobles vêtements,
De tes travaux si courts que les fruits sont charmants !
N’est-ce donc que pour moi que tu reçois la vie ?
Ton ouvrage achevé, ta carrière est finie :
Tu laisses de ton art des héritiers nombreux,
Qui ne verront jamais leur père malheureux.
Je te plains, et j’ai du parler de tes merveilles ;
Mais ce n’est qu’à Virgile à chanter les abeilles.
Le roi pour qui sont faits tant de biens précieux,
L’homme élève un front noble, et regarde les cieux.
Ce front, vaste théâtre où l’âme se déploie,
Est tantôt éclairé des rayons de la joie,
Tantôt enveloppé du chagrin ténébreux.
L’amitié tendre et vive y fait briller ces feux ;
Qu’en vain veut imiter dans son zèle perfide
La trahison, que suit l’envie au teint livide.