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si elle n’exigeoit pas encore le sacrifice des passions. Quand le cœur n’est point touché, l’esprit qui en est toûjours la dupe, cherche des prétextes pour excuser sa révolte. C’est aussi le cœur que j’attaque, en montrant la conformité de la morale de la raison avec celle de la religion. La premiere a été connue des poëtes même les plus voluptueux, mais elle n’a point été pratiquée par les philosophes, même les plus sévéres ; au lieu que la morale de la religion a changé l’univers, parce qu’elle est fondée sur l’amour, qui rend tous les préceptes faciles. Cet amour qui a allumé la ferveur des premiers siécles, va toûjours en s’affoiblissant, ainsi qu’il a été prédit : quand il sera prêt à s’éteindre, Dieu viendra juger les hommes, et au dernier jour du monde, sera consommé le grand ouvrage de la religion, qui commença le premier jour du monde.

Un sujet si vaste, si intéressant et si riche, n’a pas besoin pour se soutenir d’autres ornemens, que de ceux qu’il fournit de son propre fonds. Je perdrois le respect que je dois à mon sujet, si je m’égarois en quelques fictions. Dans tout autre poëme didactique, elles pourroient trouver place de tems en tems pour délasser de la froideur des préceptes et des raisonnemens : mais elles n’en peuvent trouver dans celui-ci. La religion est si grave, que la fiction la plus sage prend auprès d’elle un air de sable, qui ne peut s’allier avec la vérité.

C’est ce mélange monstrueux qu’on condamne avec raison dans le poëme de Sannasar ; on se rebute d’entendre les merveilles saintes dans la bouche de Protée, le catalogue des Néréides qui environnent J C lorsqu’il marche sur les eaux ; et l’on méprise les hommages