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Quand la liberté indéfinie de la presse ne trouverait pas de bornes presque insurmontables dans la vanité des gens en place ou en crédit, la saine politique seule commanderait au bon citoyen qui veut, non satisfaire ses ressentiments, mais sauver la patrie, de se limiter à lui-même cette liberté d’écrire, et de ne point faire de trop larges piqûres à l’amour-propre, ce ballon gonflé de vent, dit Voltaire, dont sont sorties la plupart des tempêtes qui ont bouleversé les empires, et changé la forme des gouvernements. Cicéron, qui reproche à Caton d’avoir fait tant de mal à la république par sa probité intempestive, lui en fit bien davantage par son éloquence encore plus à contre-temps, et par sa divine Philippique. On voit, par les historiens, que, dans la corruption générale et dans le deuil de Rome qui avait perdu, dans les guerres civiles, presque tout ce qui lui était resté d’hommes vertueux, si l’on eût ménagé Marc-Antoine, plutôt altéré de volupté que de puissance, la république pouvait prolonger quelques années son existence, et traîner encore bien loin la maladie de sa décrépitude. Antoine avait aboli le nom de dictateur, après la mort de César ; il avait fait la paix avec les tyrannicides. Tandis que le lâche Octave, qui s’était caché derrière les charrois pendant tout le temps de la bataille, vainqueur par le courage sublime d’Antoine, insultait lâche-