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Déjà le massacre du Champ de Mars a frappé Camille dans ses espérances : les patriotes sont inquiétés, poursuivis ; la publication de son journal est brusquement arrêtée : il se désole, il désespère..., et quand bientôt le 10 août semblera combler ses espérances, alors plus de repos, plus de trêve, plus de halte pour le patriote haletant, que dans la prison du Luxembourg, au pied même de l'échafaud : mais là encore ce sera la pensée de sa femme, de son petit enfant, le souvenir de ces joies intimes et si vite ravies, qui consoleront et désoleront, tout à la fois, sa dernière heure. Ses lèvres s'appliquaient sur une mèche des cheveux de Lucile, au moment où il livrait sa tête au bourreau.

Malgré son insouciance et sa gaieté, souvent de sinistres pressentiments viennent traverser son âme : dans un des premiers numéros des Révolutions de France, Camille publie une lettre écrite à son père, qui s'effrayait pour lui de ses dangers et des haines auxquelles il s'exposait :

« La contemplation de cette belle Révolution m'est si douce, que ces dangers même, dont vous me parlez, ne sauraient me distraire. J'ai souvent fait la même supposition que vous ; j'ai même été menacé hier dans un lieu public, en présence de nombre de personnes. Une femme du peuple qui feignait d'être ivre, est venue s'y placer à côté