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qu’avaient les trente tyrans d’une censure si libre et si mordante, réussit enfin à faire passer, sous eux, la loi contre les plaisanteries à laquelle Périclès s’était constamment opposé, quoique Aristophane ne l’eût pas épargné lui-même. Il parvint même à donner à sa loi un effet rétroactif, et notre vieux et goutteux auteur fut très heureux d’en être quitte pour une amende. Les triumvirs eussent pu permettre à Cicéron, sexagénaire, de composer des traités de philosophie à Tusculum, et comme quelques sénateurs, amis de la république, plutôt que républicains, et qui n’avaient pas le courage de se percer de leur épée, comme Caton et Brutus, de regretter la liberté, de chercher des ossements des vieux Romains, et de faire graver sur son cachet un chien sur la proue d’un vaisseau, cherchant son maître ; mais encore Antoine ne put lui pardonner sa fameuse Philippique et son numéro II du Vieux Cordelier. Tant ils étaient rares, même à Rome et à Athènes, les hommes qui, comme Périclès, assailli d’injures, au sortir de la section, et reconduit chez lui par un Père Duchesne qui ne cessait de lui crier, que c’était un viédase, un homme vendu aux Lacédémoniens, soient assez maîtres d’eux-mêmes et assez tranquilles pour dire froidement à ses domestiques : « Prenez un flambeau et reconduisez le citoyen jusque chez lui. »