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les fonctions de député, à la charge d’être infaillible et de ne jamais te tromper dans tes opinions, t’est-il permis de te tromper, même dans une seule expression ; et si un mot vient à t’échapper pour un autre, le mot de clémence pour celui de justice, quoiqu’au fond tu n’aies demandé autre chose que Saint-Just, justice pour les patriotes détenus, que la Convention vient de décréter, ne voilà-t-il pas qu’aussitôt d’un coup de baguette, Hébert transforme ce mot de clémence en l’oriflamme d’une nouvelle faction, plus puissante, plus dangereuse, et dont tu es le porte-étendard !

Et comment oserais-tu écrire et être auteur, quand la plupart n’osent être lecteurs ; que les trois quarts de tes abonnés, à la nouvelle fausse que tu étais rayé des Jacobins, et au moindre bruit, courent, comme des lièvres et éperdus chez Desenne effacer leurs noms, de peur d’être suspects d’avoir lu.

Aujourd’hui que tu es membre de la Convention nationale, sois de bonne foi : oserais-tu apostropher aujourd’hui tel adjoint du ministre de la guerre, le grand personnage Vincent, par exemple, aussi courageusement que tu faisais, il y a quatre ans, Necker et Bailly, Mirabeau, les Lameth et Lafayette, quand tu n’étais que simple citoyen !

Passe encore que, suivant le conseil de Pollion, tu n’écrives point contre qui peut proscrire ; mais oserais-tu seulement parler