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C’est ainsi que Saint-Just et Barère te mettent dans leurs rapports du comité de salut public, parce que tu les as mis dans ton journal ; mais ce qui a fait périr Socrate, ce ne sont point les plaisanteries d’Aristophane, qui ne tuaient personne, ce sont les calomnies d’Anitus et de Mélitus qui soutenaient que Socrate était l’auteur de la disette, parce qu’ayant parlé des dieux avec irrévérence dans ses dialogues, Minerve et Cérès ne faisaient plus venir de beurre et d’œufs au marché. N’imputons donc pas le crime de deux prêtres, de deux hypocrites, et de deux faux témoins, à la liberté de la presse, qui ne peut jamais nuire et qui est bonne à tout. Charmante démocratie que celle d’Athènes ! Solon n’y passa point pour un muscadin ; il n’en fut pas moins regardé comme le modèle des législateurs, et proclamé par l’oracle le premier des sept sages, quoiqu’il ne fît aucune difficulté de confesser son penchant pour le vin, les femmes et la musique ; et il a une possession de sagesse si bien établie, qu’aujourd’hui encore on ne prononce son nom dans la Convention et aux Jacobins, que comme celui du plus grand législateur. Combien cependant ont parmi nous une réputation d’Aristocrates et de Sardanapales, qui n’ont pas publié une semblable profession de foi !

Et ce divin Socrate, un jour rencontrant Alcibiade sombre et rêveur, apparemment