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périr, sous le prétexte de calomnies, quiconque leur déplaisait[1].] De même, le jour qu’Octave, quatre cents ans après, fit revivre cette loi des décemvirs contre les écrits et les paroles, et en fit un article additionnel à la loi Julia sur les crimes de lèse-majesté, on put dire que la liberté romaine rendit le dernier soupir. En un mot, l’âme des républiques, leur pouls, leur respiration, si l’on peut parler ainsi, le souffle auquel on reconnaît que la liberté vit encore, c’est la franchise du discours. Vois, à Rome, quelle écluse d’invectives Cicéron lâche pour noyer dans leur infamie Verrès, Catilina, Clodius, Pison et Antoine ! Quelle cataracte d’injures tombe sur ces scélérats du haut de la tribune !

Aujourd’hui, en Angleterre même, où la liberté est décrépite, et gisant in extremis, dans son agonie, et lorsqu’il ne lui reste plus qu’un souffle, vois comme elle s’exprime sur la guerre, et sur les ministres, et sur la nation française !

[Mieux vaudrait qu’on se trompât, comme le père Duchesne dans ses dénonciations qu’il fait à tort et à travers, mais avec cette énergie qui caractérise les âmes républicaines, que de voir cette terreur qui glace et enchaîne les

  1. Nous avons mis entre crochets les passages supprimés par Desenne dans l’édition originale, passages rétablis pour la première fois en 1834, par M. Matton, possesseur du manuscrit.