Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 98 —

même pensé, depuis dix ans peut-être, et sur lequel on parvint à découvrir l’empreinte de quelques fleurs de lis, sous deux doigts de crasse, acheva de compléter la preuve que le citoyen Duplessis était suspect ; et le voilà lui, enfermé jusqu’à la paix, et le scellé mis sur toutes les portes de cette campagne, où tu te souviens, mon cher Fréron, que décrétés tous deux de prise de corps, après le massacre du Champ de Mars, nous trouvions un asile que le tyran n’osait violer.

Le plaisant de l’histoire, c’est que ce suspect était devenu le sexagénaire le plus ultrà que j’aie encore vu. C’était le père Duchesne de la maison. À l’entendre, on ne coffrait que des conspirateurs, tout au moins des aristocrates, et la guillotine chômait encore trop souvent. Je crois que s’il n’avait été un peu plus content de mon numéro V, il m’aurait fermé la porte du logis. Aussi la première fois que j’allai le voir aux Carmes, la piété filiale fut moins forte en moi que le comique de la situation ; et il me fut impossible de ne pas rire aux éclats de ce compliment qui venait si naturellement, et avec lequel je le saluai ; « Eh bien ! cher père, trouvez-vous encore qu’il n’y a que les contre-révolutionnaires qui sifflent la linotte ? » Cette anecdote répond à tout, et j’espère que Xavier Audouin ne fera plus à la séance des Jacobins, cette question : « Hommes lâches, qui prétendez arrêter le tor-