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fond des prisons aux patriotes détenus, l’image du bonheur à venir de la République française, que j’ai présenté à l’avance et par anticipation à mes lecteurs, et le seul nom de comité de clémence que j’ai prononcé, à tort si l’on veut, pour le moment, ce mot seul a-t-il fait sur toi, Hébert, l’effet du fouet des Furies ? N’as-tu donc pu supporter l’idée que la nation fût un jour heureuse et un peuple de frères ? Puisqu’à ce mot de clémence, que j’avais pourtant si fort amendé, en ajoutant : Arrière la pensée d’une amnistie, arrière l’ouverture des prisons, te voilà à te manger le sang, à entrer dans une colère de bougre, à tomber en syncope, et à en perdre la raison, au point de me dénoncer si ridiculement aux jacobins, pour avoir épousé, dis-tu, une femme riche.

Je ne dirai qu’un mot de ma femme. J’avais toujours cru à l’immortalité de l’âme. Après tant de sacrifices d’intérêts personnels que j’avais faits à la liberté et au bonheur du peuple, je me disais, au fort de la persécution : « Il faut que les récompenses attendent la vertu ailleurs. » Mais mon mariage est si heureux, mon bonheur domestique si grand, que je crains d’avoir reçu ma récompense sur la terre, et j’avais perdu ma démonstration de l’immortalité. Maintenant tes persécutions, ton déchaînement contre moi, et tes lâches calomnies, me rendent toute mon espérance.