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« Alors parut Camille Desmoulins ; il faut l’écouter lui-même : Il était deux heures et demie ; je venais sonder le peuple. Ma colère contre les despotes était tournée en désespoir. Je ne voyais pas les groupes, quoique vivement émus ou consternés, assez disposés au soulèvement. Trois jeunes gens me parurent agités d’un plus véhément courage ; ils se tenaient par la main. Je vis qu’ils étaient venus au Palais-Royal dans le même dessein que moi ; quelques citoyens passifs les suivaient : « Messieurs, leur dis-je, voici un commencement d’attroupement civique ; il faut qu’un de nous se dévoue et monte sur une table pour haranguer le peuple. — « Montez-y. — J’y consens. » Aussitôt je fus plutôt porté sur la table que je n’y montai. À peine y étais-je, que je me vis entouré d’une foule immense. Voici ma courte harangue, que je n’oublierai jamais :

« Citoyens ! il n’y a pas un moment à perdre. J’arrive de Versailles ; M. Necker est renvoyé : ce renvoi est le tocsin d’une Saint-Barthélemi de patriotes : ce soir, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger. Il ne nous reste qu’une ressource, c’est de courir aux armes, et de prendre des cocardes pour nous reconnaître. »

« J’avais les larmes aux yeux, et je parlais avec une action, que je ne pourrais ni retrou-