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un conspirateur, pour n’avoir pas chassé de sa maison un ci-devant noble, il y a deux ans ? Si ce sont là des crimes, Monsieur Nicolas, je plains ceux que vous jugez. J’ai vu André Dumont, qui n’est pourtant pas suspect de modérantisme, hausser les épaules de pitié de cette arrestation, et il a rendu la liberté au citoyen Vaillant. Si moi, pour avoir demandé la liberté de mon parent emprisonné pour une telle peccadille, je frise la guillotine, que ferez-vous donc à André Dumont, qui l’a accordée ? Et sied-il à un juré du tribunal révolutionnaire d’envoyer si légèrement à la guillotine ?

Je ne puis retenir ma langue, et quelque danger qu’il y ait à avoir une rixe avec un juré du tribunal révolutionnaire, dénonciation pour dénonciation. En janvier dernier, J’ai vu encore M. Nicolas dîner avec une pomme cuite, et ceci n’est point un reproche (plût à Dieu que, dans une cabane, et ignoré au fond de quelque département, je fisse avec ma femme de semblables repas) ! Voici ce qu’était alors le citoyen Nicolas. Dans les premières années de la Révolution, comme Robespierre courait plus de dangers qu’aucun de nous, à cause que son talent et sa popularité étaient plus dangereux aux contre-révolutionnaires, les patriotes ne le laissaient pas sortir seul ; c’était Nicolas qui l’accompagnait toute l’année, et qui, grand et fort, armé