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rade de collège, toi dont la postérité relira les discours éloquents ! souviens-toi de ces leçons de l’histoire et de la philosophie que l’amour est plus fort, plus durable que la crainte ; que l’admiration et la religion naquirent des bienfaits ; que les actes de clémence sont l’échelle du mensonge, comme nous disait Tertullien, par lesquels les membres des comités du salut public se sont élevés jusqu’au ciel, et qu’on n’y monta jamais sur des marches ensanglantées. Déjà tu viens de t’approcher beaucoup de cette idée, dans la mesure que tu as fait décréter aujourd’hui, dans la séance du décadi 30 frimaire. Il est vrai que c’est plutôt un comité de justice qui a été proposé. Cependant pourquoi la clémence serait-elle devenue un crime dans la république ? Prétendons-nous être plus libres que les Athéniens, le peuple le plus démocrate qui ait jamais existé, qui avait élevé cet autel à la miséricorde, devant lequel le philosophe Demonax, plus de mille ans après, faisait encore prosterner les tyrans ? Je crois avoir bien avancé la démonstration que la saine politique commande une semblable institution. Et notre grand professeur Machiavel, que je ne me lasse point de citer, regarde cet établissement comme le plus important et de première nécessité pour tout gouvernement, le souverain devant plutôt abandonner les fonctions de comité de sûreté générale, que