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je distingue les peuples au milieu de qui elle habite.

Et à quel autre signe veut-on que je reconnaisse cette liberté divine ? Cette liberté, ne serait-ce qu’un vain nom ? n’est-ce qu’une actrice de l’Opéra, la Candeille ou la Maillard, promenées avec un bonnet rouge, ou bien cette statue de 46 pieds de haut que propose David ? Si par la liberté vous n’entendez pas, comme moi, les principes, mais seulement un morceau de pierre, il n’y eut jamais d’idolâtrie plus stupide et si coûteuse que la nôtre.

Ô mes chers concitoyens ! serions-nous donc avilis à ce point, que de nous prosterner devant de telles divinités ? Non, la liberté, descendue du ciel, ce n’est point une nymphe de l’Opéra, ce n’est point un bonnet rouge, une chemise sale ou des haillons. La liberté, c’est le bonheur, c’est la raison, c’est l’égalité, c’est la justice, c’est la déclaration des droits, c’est votre sublime Constitution[1] !

  1. À la lecture de ces lignes si éloquentes, si saintement passionnées, si dignes de la déesse qu’elles invoquent et qui les inspira, quel cœur pourrait rester sans battement ? Mais Camille Desmoulins ne prenait-il pas le jour du combat pour le lendemain de la victoire, lorsqu’il niait que la liberté, comme l’enlance eût besoin de passer par les cris et les pleurs pour arriver à l’âge mûr ? Il n’y a pas à en douter : Ce que le quatrième numéro demande à chaque page, presque à chaque ligne, c’est que la Révolution, en tant que Révolution abdique, et sur-le-champ.
    (L. Blanc, Rév. fr., t. X.)