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devenus des boucheries où ce qui portait le nom de supplice et de confiscation n’était que vol et assassinat.

S’il n’y avait pas moyen d’envoyer un homme au tribunal, on avait recours à l’assassinat et au poison. Celer, Œlius, la fameuse Locuste, le médecin Anicet, étaient des empoisonneurs de profession, patentés, voyageant à la suite de la cour, et une espèce de grands officiers de la couronne. Quand ces demi-mesures ne suffisaient pas, le tyran recourait à une proscription générale. C’est ainsi que Caracalla, après avoir tué de ses mains son frère Géta, déclarait ennemis de la république tous ses amis et partisans, au nombre de vingt mille ; et Tibère, ennemis de la république, tous les amis et partisans de Séjan, au nombre de trente mille. C’est ainsi que Sylla, dans un seul jour, avait interdit le feu et l’eau à soixante-dix mille Romains. Si un lion empereur avait eu une cour et une garde prétorienne de tigres et de panthères, ils n’eussent pas mis plus de personnes en pièces que les délateurs, les affranchis, les empoisonneurs et les coupe-jarrets des Césars ; car la cruauté causée par la faim cesse avec la faim, au lieu que celle causée par la crainte, la cupidité et les soupçons des tyrans, n’a point de bornes. Jusqu’à quel degré d’avilissement et de bassesse l’espèce humaine ne peut-elle donc pas descendre, quand on pense