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le Mogol, il y a encore une vache qui reçoit plus de génuflexions que le bœuf Apis qui a sa crèche garnie de diamants, et son étable voûtée des plus belles pierreries de l’Orient, ce qui doit rendre Voltaire et Rousseau moins fiers de leurs honneurs du Panthéon ; et Marc Polo nous fait voir les habitants du pays de Cardandan adorant chacun le plus vieux de la famille, et se donnant, par ce moyen, la commodité d’avoir un dieu dans la maison et sous la main. Du moins ceux-ci ont nos principes d’égalité, et chacun est dieu à son tour.

Nous n’avons pas le droit de nous moquer de tous ces imbéciles, nous, Européens, qui avons cru si longtemps « que l’on gobait un Dieu, comme on avale une huître, » et notre religion avait ce mal par-dessus les autres, que l’esclavage et le papisme sont deux frères qui se tiennent par la main, qu’ils ne sont jamais entrés dans un pays l’un sans l’autre. Aussi tous les États libres, en tolérant tous les cultes, ont-ils proscrit le papisme seul avec raison, la liberté ne pouvant permettre une religion qui fait de la servitude un de ses dogmes. J’ai donc toujours pensé qu’il fallait retrancher au moins le clergé du corps politique, mais pour cela il suffisait d’abandonner le catholicisme à sa décrépitude, et le laisser finir de sa belle mort qui était prochaine. Il n’y avait qu’à laisser agir la raison et le ridicule sur l’entendement des peuples, et avec