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Mais qui jugera ce conspirateur ? C’est une chose étonnante, inconcevable, que la torture à laquelle cette nouvelle question a mis les meilleures têtes de la Convention. Éloignés que nous sommes de la nature et des lois primitives de toute société, la plupart de nous n’ont pas cru qu’on pût juger un conspirateur sans un juré d’accusation, un juré de jugement et des juges qui appliquassent la loi, et tous ont imaginé un tribunal plus ou moins extraordinaire. C’est ainsi que nous ne sortons des anciennes ornières de l’usage, que pour tomber dans de nouvelles au lieu de suivre le chemin uni du bon sens. Qui jugera Louis XVI ? Ce serait le peuple entier, s’il le pouvait, comme le peuple de Rome jugeait Manlius et Horace, sans se douter qu’il fallût un juré d’accusation, puis un juré de jugement, puis un tribunal qui appliquât la loi pour juger un coupable pris sur le fait. Mais comme on ne peut pas tenir les plaids de vingt-cinq millions d’hommes, il faut en revenir à la maxime de Montesquieu, « qu’un peuple libre fait tout ce qu’il peut par lui-même, et le reste par ses représentants et ses commissaires. » Or, à moins de nier l’évidence, qu’est-ce que la Convention nationale, sinon la commission nommée par le peuple français, pour juger le dernier roi, et faire la constitution de la nouvelle République ?

On prétend que ce serait cumuler tous les