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de lien, en ce qu’il n’y avait d’obligé que la nation, qui donnait tout et ne recevait rien : Louis XVI n’étant obligé à rien de son côté, et pouvant commettre impunément tous les crimes, je dis impunément, puisqu’au moment où Necker le supposerait contracter avec la nation, de qui il va recevoir cette couronne constitutionnelle, cette couronne ne lui appartenait pas, il ne possédait rien, et qu’ainsi la cause de déchéance ne lui ôte que ce que la nation va lui donner, ne lui ôte rien ; en sorte que, sous ce rapport, un pareil contrat ne pourrait être rangé que dans la classe de ceux que le jurisconsulte appelle société léonine, comme le contrat du lion avec le troupeau, et qui n’oblige qu’autant qu’on reste sous la dent et sous la griffe.

Mais, j’ai honte de suivre les avocats de Louis XVI dans cette discussion de droit civil. C’est par le droit des gens que doit se régler ce procès. L’esclavage des nations pendant dix mille ans n’aurait pu prescrire contre leurs droits imprescriptibles. Jamais il n’a pu être plus permis aux Charles, aux Henris, aux Frédérics, aux Édouards, aux Louis, qu’à Jules César de régner. C’est un crime d’être roi. C’était même un crime d’être roi constitutionnel, car la nation n’avait point accepté la Constitution. Il n’y a qu’une seule supposition dans laquelle il puisse être légitime de régner : c’est lorsqu’un peuple se dé-