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plutôt le panégyrique de Louis XVI, qu’on adorait aussi : risible effort d’une idole foulée aux pieds qui prétend en relever une autre également renversée !

Comme l’évêque de Londres, Juxon, essaya de justifier Charles Ier, martyr de ses opinions religieuses, Necker a dû s’efforcer de justifier Louis XVI, martyr des faux calculs politiques de ce banquier, de la sottise de ce bourgeois gentilhomme et de cette gloriole puérile, de cet orgueil de valet qu’il tirait de l’éclat du trône dont il aimait le reflet, pour me servir de son expression. En lisant son plaidoyer, le moins mauvais pourtant qui ait paru pour le monarque détrôné, on reconnaît à chaque page la vérité du mot de J.-J. Rousseau : « Que ce n’est point à un esclave qu’il appartient de raisonner la liberté. »

Ce qui étonne bien davantage, c’est que des républicains, des représentants du peuple français aient pu tenir le même langage au milieu de la Convention, dans ce berceau de la liberté du monde, et y soutenir que les rois ne pouvaient être mis en jugement pour quelques crimes qu’ils eussent commis, tandis que dans les jours de la plus extrême servitude et sous le règne de Néron, les comédiens de Rome s’exprimaient plus librement et déclamaient sur la scène le vers de Sénèque : « La victime la plus agréable à offrir à Jupiter est la tête d’un roi parjure. »