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Commune. Le tocsin des Cordeliers sonna, il sonna longtemps. Seule, baignée de larmes, à genoux, sur la fenêtre, cachée dans mon mouchoir, j’écoutais le son de cette fatale cloche. En vain venait-on me consoler. Le jour qui avait précédé cette fatale nuit me semblait être le dernier. Danton revint. Madame Robert, qui était très inquiète pour son mari qui était allé au Luxembourg, où il avait été député par sa section, courut à Danton qui ne lui donna qu’une réponse très vague. Il fut se jeter sur son lit. On vint plusieurs fois nous donner de bonnes et de mauvaises nouvelles. Je crus m’apercevoir que leur projet était d’aller aux Tuileries. Je le leur dis en sanglotant : je crus que j’allais m’évanouir. En vain Madame Robert[1] demandait des nouvelles de son mari, personne ne lui en donnait. Elle crut qu’il marchait avec le faubourg. « S’il périt, me dit-elle, je ne lui survivrai point. Mais, ce Danton, lui, le point de ralliement ! si mon mari périt, je suis femme à le poignarder. » Ses yeux roulaient. De ce moment je ne la quittai plus. Que savais-je, moi, ce qui pouvait arriver ? Savais-je de quoi elle était capable ? Nous passâmes ainsi la nuit dans de cruelles agitations. Ca-

  1. Voir, Mémoires de Madame Roland (Portraits et anecdotes), des détails curieux sur Madame Robert et son mari, t. I de notre édition.